dimanche 31 octobre 2010

Whisky

Un verre. Juste un unique verre. Marla regardait l’eau s’écouler dans la rigole du trottoir. Dans ses yeux une étrange lueur, comme si cette jeune femme n’était pas tout à fait vivante. La lumière terne de cette fin d’après-midi de novembre lui rappelait l’éclairage de fortune d’un bar de sa jeunesse. A cette époque, elle habitait la Normandie dans un petit village au nom gigantesque. C’est dans ce bar miteux qu’elle avait goûté son premier whisky. Rien qu’en y pensant, l’arôme doux et rêche du liquide chaud descendait dans sa gorge. Six mois qu’elle n’avait pas senti l’engourdissement de sa bouche au contact de l’alcool. Six mois…c’était beaucoup. Depuis, elle avait fait un petit bout de chemin. Travailler dans un bureau, rentrer fatiguée, manger, se coucher et repartir au travail sans parler à qui que ce soit. Pas le temps. C’était pour éviter cette vie là qu’elle avait commencé à boire. Du haut de ses seize ans, elle regardait la monotone vie des adultes en se promettant de ne jamais, jamais faire les mêmes erreurs qu’eux. Puis elle avait grandi et s’était rendue compte que l’alcool n’était peut être pas la solution. Mais que pouvait-elle faire d’autres ?
Toute sa famille, tout ses amis, l’avaient abandonné. Un à un. Lentement mais sûrement. Elle était seule à présent. Seul au bord de ce trottoir à regarder l’eau dégouliner sur les pavés noirs de pollution de sa ville.
Elle releva la tête. L’enseigne du bar d’en face clignotait, l’appelant à entrer.
Juste un verre…Rien qu’un…
Non. Elle ne voulait pas. Même si la société actuelle rejetait les gens comme elle, Marla ne pouvait pas replonger dans cet enfer. Un Enfer au goût de Paradis. Elle tourna la tête. Un jeune garçon, de cinq, six ans maximum, la regardait, un camion de pompiers à la main, il souriait. Marla ferma les yeux et fit de nouveau retomber sa tête. C’était à cause de cette petite bestiole innocente qu’elle en était là aujourd’hui. Elle posa sa main sur son ventre et se concentra.
Boum boum boum boum.
Le cœur d’un bébé. Une petite chose insignifiante qui a le pouvoir de reprogrammer entièrement vos vies. Elle avait envie de pleurer. Il licenciait depuis trois mois à son travail. C’était la mode depuis quelques années, les patrons disaient au revoir aux employés et ceux-ci se retrouvaient sur le trottoir. Jusque là, la chance lui avait souri. Et puis…une soirée, une beau jeune homme soûl, un bébé. Elle se remémora la scène. Dans le bureau de son patron rempli de ces choses achetées à Ikea qui prouvait l’assujettissement à toutes choses matérielles dans cette société de consommation. Elle avait eue peur tout d’abord mais en voyant la figure rondouillard et rouge de l’homme qui la commandait, la peur n’était devenu qu’un sentiment refoulé et c’est la confiance en soi qui avait pris le relais.
Il lui avait montré un siège. Assise, elle lui avait demandé un congé maternité de deux mois. Il lui avait souri. « Mais bien sûr Mlle Gordon. Mais bien sûr. Je ne vois aucun problème à cela et surtout envoyez moi un faire part. ». Trois semaines plus tard, elle était licenciée pour on ne sait quel motif discutable. Elle ne voulait pas le savoir.
Avant de se retrouver ici, elle avait téléphonée à sa mère. « Maman, je suis enceinte. ». Tout d’abord heureuse, elle avait posé la question que Marla redoutait. « C’est qui le père ? ».
Un homme de passage.
« Quelqu’un de bien, tu verras. » C’est ce qu’elle lui avait répondu. Mais sa mère n’est pas dupe et lui a expressément demandé d’avorter.
Maintenant, elle était là, au bord du trottoir, toute sa vie défilant derrière ses paupières. Le gamin avait disparu. Une voiture passa, l’éclaboussant au passage. Tout se bousculait dans sa tête. Elle ne savait plus quoi penser ni quoi faire. Elle releva la tête. Le bar était toujours là et sa chaleur se répandait à l’autre bout du trottoir. Elle pouvait la sentir du bout de ses doigts. Les voix à l’intérieur et les exclamations arrivaient jusqu’à elle, la transperçaient de souvenirs, bons comme mauvais.
Allez Marla, un ce n’est pas la fin du monde.
Peut être pas la fin du monde mais sa fin à elle en tout cas. Elle ne pouvait pas faire ça. Mais elle le voulait plus que tout. Elle aurait tout donné pour un verre. Un simple petit verre de whisky. Elle rentra ses mains dans ses poches et d’un air décidé traversa la rue.
Son esprit était complètement séparé de son corps. Elle ne pouvait plus continuer comme ça, c’était devenu impossible, il lui fallait sa dose d’alcool et tout de suite. Mais une petite voix à l’intérieur lui criait d’arrêter. Et le bébé ! Et ta vie ! Mais c’est le corps qui décida de la direction à suivre et celle-ci menait directement à la lourde porte du bar. L’odeur de la cigarette et les relents de sueur la firent reculer. Un nuage de fumée planait au dessus d’eux et pas une personne dans la pièce ne tenait dans ses mains un verre ou une cigarette.
Elle s’approcha du comptoir. Ses mains moites tremblaient dans ses poches et sa bouche devenait pâteuse. Elle regarda les bouteilles derrière le gros barman somnolant. Il y avait de tout. Tout ce qu’elle avait jadis aimé, tout ce qui lui avait procuré du plaisir et de la chaleur. Quand on manque de chaleur humaine, l’alcool fait l’affaire. La voix dans sa tête s’était tue vaincu par le corps. Elle se lécha les lèvres et toussota afin de débarrasser sa gorge et sa bouche de tout ce qui aurait pu les empêcher de fonctionner.
Elle hésita encore. Ses mains sentaient à travers l’épaisseur de son manteau son ventre légèrement gonflé et pourtant bien présent. Elle retint ses larmes. Ce qu’elle allait faire maintenant, allait déterminer son avenir et celui d’un enfant. Elle n’était plus seule et un acte pouvait déchirer deux vies. Elle prit son inspiration et enleva ses mains de ses poches. Le barman la regardait, les sourcils fronçaient. Elle allait commander oui ou non ?
Un whisky s’il vous plaît.
Elle ferma les yeux et quand elle les rouvrit, son regard n’avait plus cet éclat de mort-vivant :
- De l’eau s’il vous plaît.

lundi 25 octobre 2010

She is.


Rose Tyler

"Planet Earth. This is where I was born. And this is where I died. For the first nineteen years of my life, nothing happened. Nothing at all. Not ever. And then I met a man called the Doctor. And then I met a man called the Doctor. He showed me the whole of time and space. I thought it would never end."




mercredi 13 octobre 2010

Le Vieux Pont

Marc gara sa voiture sur le trottoir en face du troqué. Les gens le regardaient d’un mauvais œil, c’était le genre de type qu’on n’aimait pas beaucoup dans cette petite région de Bretagne. Il faut dire qu’il faisait très « parisien en vacances ».
Il entra. Le silence se fit. Il alla directement au bar et déclara :
- Je veux aller à Richeboeuf.
Marc n’avait jamais été très poli avec les personnes qui le dévisageaient ainsi.
- Vous êtes fou mon bon monsieur ! ou alors vous vous êtes trompé de chemin.
- Mais sur la carte c’est le plus court chemin, il y a un pont et puis…
Il s’arrêta. Cette fois le silence le gênait. Les gens se regardaient entre eux complètements affolés et certains faisaient un signe dans la direction de Marc et se chuchotaient des choses dans les oreilles.
- Il n’y a pas de pont ici mon bon monsieur !
- Ah ?!
Mais un gamin, qui mâchait du chewing-gum à s’en rompre la mâchoire, sortit de l’arrière boutique.
- Si. Il y a le vieux pont.
Maintenant c’était lui que tout le monde regardait d’un air sévère comme si ce qu’il venait de dire était un étrange secret renfermant des choses monstrueuses. Ce gamin venait de dire ce qu’il ne fallait surtout pas dire. Les gens avaient tous la même expression sur le visage, celle d’une mère invitée chez des ammis et dont l’enfant vient de lui faire la honte de sa vie. Marc retint un rire quand il se mit à imaginer les personnes dans le bar disputant cet adolescent dès qu’il serait parti. Mais il reprit son sérieux quand ils e rendit compte que le barman l’avait mené en bateau. . Marc le regarda, puis, déconcerté, dit :
- Mais…pourquoi m’avoir menti comme ça ?
- Il y a bien un pont, m’sieur, mais je vous conseille de pas y aller. On raconte que c’est l’ diable qui l’a construit moyennant finance, mais n’ayant jamais eu ce qu’il demandait, il prend les âmes de tous ceux qui passe ce pont. 99 personnes du village et d’ailleurs ont essayé de passer, ils ne sont jamais revenus. Et puis vous ne passerez jamais avec votre voiture, il est tellement vieux qu’il ne la supporterai pas.
Le barman, tout en disant cela fit un signe de tête en direction du 4x4 de Marc.
- Assez de bêtise. J’irai à pied.
- Comme vous voulez. Au revoir m’sieur.
Marc sortit. Comment pouvez t’on encore croire à de telles sornettes ? Le diable ! Bien voyons et puis quoi encore ? Après avoir demandé son chemin à une fermière qui l’avait regardé avec des yeux ronds, il arriva au pont.
C’était un pont comme les autres, les pierres dataient du XIII ème siècle à peu près. Les barrières sur les côtés étaient extrêmement basses, la taille d’un enfant de 4 ans.
Il eut soudain froid. Le froid de la peur. Il fit un pas, deux pas, trois pas et puis courut. Mais pourquoi faisait-il ça ? Ce barman lui avait foutu la trouille avec ses histoires à dormir debout.
Il courait à perdre haleine. Il courait tellement vite, sans regarder où il mettait ses pieds qu’il ne vit pas le caillou sur la droite. Il trébucha… et passa de l’autre côté de la barrière. Marc tomba dans l’eau glacé sans même avoir eut le temps de pousser un dernier cri.
Soudain, un homme sortit de nulle part. On ne pouvait voir son visage, il portait une capuche. Mais une langue fourchue se montra quand il prononça ce simple mot :
- 100.

dimanche 10 octobre 2010

Un temps

Un temps

Un temps
Celui de vivre
Ou de mourir.
Un temps
Le mien, le nôtre,
Insaisissable, irrémédiable,
Il passe sans faute
Sans ralentir
Sans accélérer
Nous narguant
De son flux doré
Prend le comme il vient
Laisse toi porter
Ne te retourne pas
Mais n’avance jamais.
Un temps
Le vôtre, le leur
Conscience infatigable
D’être mortel
Tes souvenirs
Dans ton passé
Ne sont qu’illusion
Ta liberté
Dans ton présent
N’est qu’illusion
Tes projets
Dans ton futur
Ne sont qu’illusion.
Un temps
La seule chose vraie
L’unique chose vraie
C’est
Que
Tu
Es.