mardi 28 décembre 2010

Kinky Dumb

 
Blade Runner
Film de Ridley Scott
Livre de Philip K.Dick


Il se redressa un peu sur son siège, gêné de cette situation.
- Je n’ai trouvé que lui pour remplacer Key.
Caligula se leva et fit les cent pas derrière son bureau pendant un bon moment. Phil se sentait de plus en plus mal à l’aise. Il soupira et continua d’épier les moindres mouvements de son supérieur. Caligula s’arrêta, de dos à Phil. Il haussa les épaules et se retourna vers son employé.
— Il n’y a vraiment plus que lui comme solution ?
Phil hocha la tête tout en parlant, comme s’il se sentait obligé d’appuyer cette affirmation.
—C’est le seul agent disponible, Monsieur.
Caligula sourit d’un air entendu.
— Sa réputation le précède de loin, vous le savez. Je n’ai jamais vu cet homme, mais je sais que c’est un idiot.
—Un idiot gentil, mais un idiot. Nous allons répéter geste par geste la mission. S’il y a un problème, j’en prends toute la responsabilité.
Pourquoi avait-il dit ça ? Phil n’en savait rien, mais il le regrettait déjà. Discrètement il se pinça le genou et retint une grimace de douleur.
Son patron se rassit derrière son bureau. Il prit un stylo et nota quelque chose.
— Ce n’est pas la peine de vous rappeler M. Gordon que vous ne connaissez ni moi, ni cette entreprise et qu’en cas d’échec, vous et Dumb serez seuls. Complètement seuls.
Effectivement, ce n’était pas la peine de le rappeler. Phil se leva, dans la gorge, un épouvantable goût de métal. Un canon de revolver ?
Il serait difficile alors de parler correctement.
Il sortir de la pièce, chancelant, ivre de peur. Pourquoi ? Les pourquoi n’ont jamais de réponse.

Kinky attendait, faisant tourner son siège à roulette dans le petit bureau étroit de M. Gordon. Celui-ci ouvrit la porte tout doucement, comme s’il avait peur de réveiller un fantôme. Pourtant, Kinky le savait, il n’était pas un fantôme. M. Gordon s’assit et pendant quelques minutes il regarda dans le vide juste au-dessus de la tête de Kinky.
— Alors, voilà.
Kinky arrêta de tourner soudain. M. Gordon évitait de le regarder. Kinky perdait patience, il n’aimait pas tellement les mystères.
— On part en mission.
Kinky sauta du fauteuil et commença une danse étrange. M. Gordon le regarda, dépité, affalé dans son siège, livide. Dumb était la peste noire de l’entreprise. L’homme simplet que Caligula avait dû embaucher pour faire plaisir à l’actionnaire principal de cette entreprise masquée. Phil était le chef des agents, c’est lui qui organisait, entraînait les hommes, et menait les missions. Sous ses airs d’entreprise familiale de formation professionnelle, « Fantastic K Agent » était en fait une entreprise spécialisée dans l’assassinat. Le client venait avec une photo de la cible et Phil s’occupait d’organiser son assassinat.
Phil s’affaissa un peu plus dans son fauteuil, désemparé.
— King est ta cible.


Il n’avait que deux semaines pour s’entraîner, Phil n’avait jamais connu un délai aussi court. De huit heures du matin à vingt heures le soir, ils répétèrent chaque mouvement, chaque respiration, chaque geste de Kinky lors du meurtre. Gordon faisait la victime et Kinky tirait avec des balles à blanc.
La première semaine fut laborieuse. Cependant le dernier jour, Kinky avait été parfait et Phil avait un peu d’espoir. L’espoir qu’a le jockey qui monte un cheval blessé, mais dopé.


Kinky Dumb s’était rapidement changé dans les toilettes publiques. Il entra dans l’hôtel, saluant au passage les employés du bâtiment. Il ne comprenait pas qu’un homme politique de cette envergure ne connaisse pas leur entreprise, mais à la rigueur, ce n’était pas vraiment son affaire.
Dans son costume gris, Kinky faisait un parfait groom. Il prit un chariot au hasard dans les cuisines et arrivé au sixième étage, il vit tout de suite quelle chambre était celle de King. Trois gardes du corps se tenaient, raides comme des piquets, devant la malheureuse porte de la chambre 1142.
Il tourna au bout du couloir et ouvrit la porte réservée au personnel. Dans cette minuscule pièce, se trouvait, justement, un membre du personnel, ronflant sur un clavier. Il marcha sur la pointe des pieds jusqu’à la console contrôlant toute la climatisation de cet étage. Les deux mains sur les tempes, il réfléchit un moment. Puis, il appuya sur quelques boutons et sortit dans le couloir. Un peu avant les escaliers, il se retourna, collant sur son visage un masque de terreur travaillé.
— Y’a le feu !
Les gardes du corps tournèrent lentement la tête vers lui et remarquèrent aussitôt la fumée qui s’échappait d’une des chambres.
— Cours en bas p’tit et appelle les pompiers. Nous on défonce la porte !
Kinky courut vers les escaliers, les hommes frappèrent la porte jusqu’à ce que les gonds cèdent. La fumée envahit le couloir. Il ne pouvait s’empêcher de glousser, caché dans l’escalier. Il attendit que les trois hommes se soient engouffrés dans la chambre avant de traverser le couloir en courant et de frapper à la porte de King.
Celui-ci lui ouvrit, vêtu d’un simple peignoir, le sourire au visage. Kinky le poussa à l’intérieur. Le dictateur tomba sur le lit, surpris. Le faux groom ferma la porte et tourna la clef dans la serrure avant de sortir son pistolet et de le braquer sur King. Il se redressa et s’assit sur le bord du lit. Ses cheveux légèrement grisonnants et ses lunettes fines lui donnaient un air de gentil papy. Kinky tremblait devant cet homme. Il ne savait plus quoi faire. Devait-il le tuer ? King se releva et s’avança vers son tueur. Il leva la main comme s’il voulait lui prendre le pistolet et Kinky se réveilla.
— Vous bougez pas. Un geste et je vous tire une balle dans votre petit crâne de politicien véreux.
— Vous me haïssez.
— Oh ! C’est bon, employez pas de grands mots pour que je prenne pitié de vous et que je lâche ce flingue.
King fronça les sourcils et se rassit sur le lit. Kinky savait exactement ce qu’il devait faire à présent. Tout était clair.
Pour une fois.
Il prouverait à tout le monde qu’il était un bon agent. Il montrerait de quoi il était capable. Sans aucune pitié, sans aucun remords, sans aucune réflexion, Kinky redressa le canon de son arme et visa. L’homme blêmit, ses doigts s’accrochèrent à la couverture, il ferma les yeux, le visage déjà figé en une expression de douleur et de peur.


Kinky tira.


Kinky regarda le corps inerte de cet homme. Il n’avait jamais tué comme ça, de sang-froid, sans aucune raison personnelle. Il se mit à jubiler, il sautilla sur place, chantonnant un ridicule chant de victoire.
Et puis un bruit. Un petit ricanement. Kinky se figea. Il devait sortir de cette pièce, et vite… Il se mit à courir jusqu’à la porte, mais s’arrêta, une main sur la clenche. Il se retourna vers le lit.
King le regardait avec de grands yeux. Un sourire jusqu’aux oreilles.
— Monsieur Kinky... les balles à blanc ne sont valables qu’à l’entraînement.
Il pencha sa tête de côté, en continuant à sourire. Kinky se décomposa sous son regard. Et juste avant de s’écrouler sous une matraque, il se demanda pourquoi ça n’avait pas marché.
Mais quel idiot …

jeudi 23 décembre 2010

On Mars

Vois le monde.

"La réalité c'est ce qui continue d'exister lorsqu'on a cessé d'y croire."

Philip K.Dick


jeudi 16 décembre 2010

Silhouette


La nuit est nôtre. Le jour est vôtre.

La nuit est la plus belle lumière qui puisse être.