lundi 28 mai 2012

La Peur du Noir


           J’ai peur d’ouvrir les yeux. Peur aussi de les fermer. La réalité n’est jamais celle que l’on croit. J’étais assise dans ma chambre, un nounours démembré entre les bras. Le silence, le vide, les ténèbres. J’attendais. Je ne savais pas quoi, mais j’attendais. Mes cauchemars m’empêchaient de dormir et le noir de la pièce semblait m’enlacer de ses bras gelés et me serrer de plus en plus fort, jusqu’à ce que l’oxygène ne puisse plus atteindre mes poumons et que mon cœur, lentement mais irrémédiablement, s’arrête petit à petit de battre. Il y avait quelque chose ici. Quelque chose que je ne connaissais pas. Quelque chose d’inhumain. Je pouvais sentir sa présence autour de moi, m’encerclant, me soufflant dans le cou, me frôlant de ses membres dégoulinants. Et je restais là. Si je fermais les yeux, si je m’endormais, cette chose allait de nouveau s’infiltrer en moi et les cauchemars qui m’envahiraient alors seraient bien pires que la réalité.
            Je ne pouvais pas sortir, ça bloquait la porte. Lentement, je m’adossai contre le mur. Mon nounours toujours dans mes bras. J’entendais la télévision à travers la cloison et je me concentrais sur ce doux ronronnement rassurant. Mais cette respiration rauque était toujours là, aussi envahissante que n’importe quelle musique. Je sentis une larme couler le long de ma joue. La peur est une chose que l’on ne contrôle pas, elle vous prend et ne vous lâche plus. Quoi que vous fassiez, quoi que vous tentiez, vous ne pouvez pas lui échapper. Elle me tenait, et j’essayais de m’arracher à son étreinte, en vain. Quelque part, une porte claqua. Je sursautai et serrai un peu plus fort mon nounours contre ma poitrine. La télévision s’était tue. J’étais seule à présent. Seule avec elle. Je secouai la tête, sortit lentement de mon lit, en tremblant et en respirant fort pour ne pas l’entendre. Ce souffle chaud. Instinctivement, je me dirigeai vers le commutateur. Mais comme je l’actionnai, aucune lumière. Rien. La lampe avait grillé.
            Un murmure soudain, là, quelque part derrière moi. Je criai. De peur et de honte, un cri aigue de petite fille apeurée. Ce que j’étais. Je ne fis plus le moindre mouvement, n’osant esquisser le moindre geste. C’était quelque part, tapi dans l’ombre et ça n’attendait qu’une seule chose : que je fasse une erreur. Mais quel genre d’erreur pouvais-je commettre ? J’étais déjà tellement terrifiée, déjà tellement accessible à toute menace que je ne savais pas ce que ça attendait. Je restais là pendant une dizaine d'interminables minutes, avant de me retourner, aussi doucement que possible. Et je les vis. Deux points lumineux dans ce noir palpable. J’avais peur mais je ne pouvais pas m’empêcher de regarder. Deux yeux d’une lueur aveuglante et pourtant si vide de sens. Je m’approchai comme attirée. Un vulgaire moustique autour d’une lampe. Je sentis mon nounours glisser le long de moi, mais je ne le retins pas. Il tomba à terre avec un bruit sourd. Mais je ne réagis toujours pas, me rapprochant de ses deux yeux qui me dévisageaient dans les ténèbres. Mes pieds se posaient à terre mais ne produisaient aucun son, je semblai marcher sur un nuage. Bientôt, je ne fus plus qu’à quelques centimètres des yeux et je pouvais sentir son souffle chaud et rugueux. C'était comme si je l’avais toujours connu. Comme si j’avais toujours été là, près de lui. Je déglutis difficilement mais la peur n’était plus là. Mes paupières grandes ouvertes fixaient les lueurs rouges. Ma main se leva et lentement, vint faire un signe devant ces yeux. Ils ne réagirent pas.
            J’attendais, toujours dans le noir, toujours dans le silence, les bras ballants, face à face avec ça. J’attendais. Mon esprit était de plus en plus embrouillé, comme si quelque chose venait intercepter mes pensées et les façonner à sa façon. Tout cela, je m’en rendais compte, mais la vision de ce rouge vaporeux me remplissait d’une sensation nouvelle, un mélange de curiosité et de peur, même si cette peur était relativement oubliée. Et puis je fermai les yeux, lentement, mes paupières tombèrent. Ma vision devint floue jusqu’à ce que je n’en aie plus du tout. Et puis ce fut le néant total, le plongeon vers le monde inconnu des rêves. Les yeux rouges furent oubliés. L’instant de mon propre oubli. Je sursautai, le bruit d’un terrible gargouillement résonna dans la chambre. Je tombai à la renverse, ma main rencontrant le nounours à terre, je le repris et le serrai contre ma poitrine. Les yeux rouges avaient disparu mais toujours ce bruit infernal. Ma respiration m’empêchait de savoir si nous étions deux dans la pièce. Je me relevai et difficilement, en tremblant et en trébuchant, j’atteignis de nouveau le commutateur. Je l’actionnai et la lumière envahit alors ma chambre. Froide et rassurante. Il n’y avait rien. Seulement la peur. Je soupirai, soulagée et me rassis sur mon lit, le cœur encore battant. Quelque chose frôla mon pied, je sursautai, mais je savais qu’il n’y avait rien. La lumière se mit à trembloter, puis plus rien, de nouveau le noir. Je souriais toujours pourtant. J’étais simplement rassurée.
             J’allais me recoucher, tranquillement et simplement, quand je sentis comme une vague gelée et littéralement mortelle me pénétrer. La chose m'entoura de toute part. Je ne fis plus qu'un avec elle. Je criai mais ça me fit rapidement taire… 

"Plains ceux qui ont peur car ils créent leurs propres terreurs"   























   

 Stephen King


samedi 5 mai 2012

Réservez "Vertor" suivi de "La Volontaire"


Couverture de Jean-Luc Blary et les éditions Casterman
La nouvelle "La Volontaire" a été publié aux éditions Eons (voir poste) à la suite du roman d'Alain Dartevelle : Vertor.

Vous pouvez l'acquérir dès maintenant en version numérique (à cette adresse).

Mais, petite précision, plus il y aura de réservations pour la version papier, plus celle-ci sera rapidement imprimée et dans votre bibliothèque !

Alors n'hésitez pas à réserver la version papier de Vertor suivi de "La Volontaire" (à la même adresse!).











Résumé de ma nouvelle (par l'éditeur):
"Cela fait maintenant plus de vingt ans qu’un humain n’a pas dormi sans faire de mauvais rêves. Mais, depuis un an, alors que les recherches commencent à révéler des choses intéressantes, les choses empirent. Désormais, le problème n’est plus de l’ordre du sommeil, mais semble affecter la réalité même."

Résumé de Vertor :
« Refaites-vous une santé dans l’été permanent de Vertor, annonçaient les publicités. Changez-vous la planète en venant sur Vertor, l’astre aux idiots, où vous oublierez tout, vos tracas et le reste : les Noks sont là pour ça ! »
Comme tant d’autres humanos de la Fédération mondiale, le professeur Anton Dexter a craché de bon cœur ses dix mille galactars, séduit par la promesse d’un dépaysement à nul autre pareil en compagnie du mystérieux peuple des Noks.
Mais très vite, ce qui promettait d’être le plus vaste défoulement collectif qu’ait jamais conçu cerveau de promoteur touristique tourne au cauchemar : un cauchemar bien réel, dont Anton Dexter va devoir, à son corps défendant, faire la cruelle expérience.
 Curiosité éditoriale : suite à l’arrêt de la collection Tapage par les Éditions Casterman en 1998, le troisième et dernier volet de la série « Vertor », intitulé Le secret des Noks, n’avait pas pu voir le jour. À la suite de L’Astre aux Idiots et de Le Grand Transmutateur, il clôt la présente intégrale, donnant enfin toutes les réponses à tant de questions laissées trop longtemps en suspens…