vendredi 2 juillet 2010

Nez Rouge

François détestait les clowns et voilà que son fils lui demandait de l'emmener au cirque qui passait dans leur ville avant de rejoindre Rouen. Certaines personnes jugent naïfs d'avoir peur de gens censaient faire rire mais François n'y pouvait rien. Depuis sa plus tendre enfance, la vue de ses personnages hauts en couleurs lui donnaient la chair de poule, son coeur tapait contre sa poitrine comme s'il voulait s'échapper et ses membres se mettaient à trembler comme un Parkinsonien. Aucune peur n'est irationnelle, elles ont toutes un fondement, quelque chose de solide qui justifie cette peur, cette terreur en voyant, en sentant, en touchant quelque chose...ou quelqu'un. Tout le monde a peur d'une déclaration de guerre, alors que ce n'est qu'une idée, des mots sur du papier ou des mots prononcés. Une déclaration n'est pas quelque chose de vivant, ou bien quelque chose de terrible, ce sont des mots. Mais les mots ne sont-ils pas la plus terrible des armes ?
Son fils le regardait avec de grands yeux suppliants. François soupira. Il était adulte à présent, il pouvait gérer sa peur. En soupirant, il prit la main de son fils et prit ses clefs.
La main d'Etienne était moite dans la sienne. Moite d'exitation. Son fils allait pour la première fois sous le chapiteau et il savait ce qu'il y trouverait, tout ce qu'il n'avait fait qu'imaginer, que regarder à la télévision dans cette joli boîte noire. A présent, il pourrait vraiment les voir, de ces yeux, les Lions. Etienne adorait les Lions, François ne savait pas pourquoi, mais il était fasciné par eux, par le Roi des animaux par le prédateur fainéant.
La queue s'étendait à perte de vue derrière eux. Toutes les familles en profitaient, le cirque ne restait qu'une semaine après tout et ne venait que tous les quatre ans, alors on en profite tant que les enfants sont petits et qu'ils veulent bien encore. Ils étaient arrivés assez tôt et l'accueil n'était à présent, plus qu'à quelques mètres et à une dizaine de spectateurs pressés. François n'avait pas hâte.
Le soleil était au rendez-vous et ses rayons transpercaient les nuages, terrible prédateur de la peau et de l'humeur. C'est bien connu, quand il fait trop chaud, les gens deviennent aigris.

Le pot de pop corn de son fils débordait et n'importe qui aurait pu les suivre à la trace. C'est marrant comme l'appréhension vous fait devenir paranoïaque. François ne pouvait s'empêcher de regarder derrière eux au cas où un de ces comiques frustrés ne les suivraient pas. Etienne lui montra deux places au premier rang et ils allèrent s'y asseoir, passant ainsi devant une vieille dame et sa petite fille qui, elles aussi, les avaient repérées.
Aves l'attente qu'il y avait encore à l'extérieur du chapiteau, le spectacle n'était pas près de commencer et Etienne remplissait sa bouche autant que possible de pop corn en racontant ses petites histoires de l'école primaire.
Monsieur Loyal apparu sur le sable de la scène quand la petit garçon mit sa dernière bouchée de pop corn dans sa bouche. Il regardat alors son père, la bouche boudeuse.
- Dit papa, j'ai plus de pop corn.
- Je vois bien, t'as tout mangé avant le début du spectacle.
- Ba oui, mais c'était long et les petits pop corns il m'appelait.
- Ah ? Et ils te disaient quoi ?
- Etienne, mange nous. Etienne je t'en prie.
François regarda son fils et lui sourit. Il se revoyait à son âge découvrant tous les bonheurs du monde, préservé de tous les petits tracas, des problèmes de filles.
- Va, j'ai compris.
Il passa sa main dans les cheveux de son fils et se leva.
- Tu bouges pas Etienne, tu as compris ?
- Ne t'inquiéte pas, si je bouge de toute façon, les lions y vont me sauter dessus.
François se fraya un chemin parmis la forêt de chaises occupées. Plus une place de libre, il avait beau regarder, toutes les chaises, tous les gradins avaient un propriétaire. L'odeur sous le chapiteau lui rappelait des soirées avec ses vieux copains complétement allumés de fatigue, les yeux exhorbités mais toujours réveillé. Le but : ne pas s'endormir le premier. Et évidemment dans la chambre squattée, une horde de chacal n'aurait pas fait mieux. L'homme qui vendait des pops corns passaient dans les rangs du fond. François si dit qu'il aurait pu attendre qu'il passe plus près d'eux mais maintenant qu'il était levé autant aller le chercher. Il n'était plus qu'à quelques mètres du vendeur quand quelqu'un lui tapota l'épaule. Il se figea sur place, sa respiration se fit beaucoup plus sourde, son coeur battait la chamda. Pourquioi ? Toujours cette foutue paranoïa. Lentement, comme pour faire face à un adversaire redouté, il se retourna. Un homme se tenait devant lui. Cet homme, il le connaissait. John Harper. Son patron, père de deux "adorables" bambins infernaux. François se força à sourire.
- Oh! John, je m'attendait pas à te voir ici !
- Je t'ai fait peur peut être ?
- Non, ne t'inquiéte pas mais je m'attendais pas...je m'attendais pas à toi.
- Tu es venu avec ton garçon ?
- Oui, il m'attend là-bas, je suis allé lui chercher des pops corns.
- Ah ah ! Moi aussi j'adorais ça étant gosse.
- Oui, moi aussi. Moi aussi...Euh...tu m'excuseras mais il faut que je te laisse.
- Ecoute j'ai une idée. Après le spectacle rejoins moi à l'extérieur, on t'attendra, j'ai des gens à vous présenter à toi et à ton garçon. Au fait c'est quoi son nom, désolé, je m'en rappelle jamais.
- Etienne. Il s'appelle Etienne.
-- Oui, voilà c'est ça. Alors c'est d'accord.
- Euh...bien....
- Super ! A tout à l'heure alors, profitez du spectacle, il paraît que les clowns sont drôles à mourir.
François s'éloigna de cet homme aussi vit qu'il le pouvait s'en éveiller sa curiosité. Il aimait bien son patron qui était presque devenu son ami, mais là, en ce moment, il ne préférait pas avoir une vie sociale étendue. Quand il retourna s'assoeir près de son fils, lui tendant l'énorme pot de pop corn, Etienne ne lui accorda même pas un regard, même pas un merci. Ses yeux fixaient les chevaux qui faisaient le tour de la piste comme des animaux en cage, c'était le cas de le dire. Le spectacle se déroula dans la joie, la bonne humeur et la peur. Quand vint le tour des clowns, François ne regarda pas, il entendait les enfants autour de lui qui riraient à s'en décrocher la mâchoire et il crut que la femme à sa gauche allait littéralement mourir de rire.
Son fils riait encore alors que deux numéros de trapèzes étaient passés depuis les comiques. François n'attendait pas la fin du spectacle avec impatience et elle arriva bien plus vite qu'il ne l'eut cru.
Il attendit un peu avant de se lever pour rejoindre la sortie, non pas parce qu'il ne voulait vraiment pas revoir son patron, même s'il n'en avait pas vraiment envie mais plus pour éviter à son garçon de se faire marcher dessus. Il sortirent donc presque bon dernier et John était toujours là, tenant par les deux mains ses deux enfants dont les bouches dégoulinaient de barbe à papa.
- Et ben ! Je croyais que tu sortirais jamais de là dedans où que tu avais pris une autre sortie pour éviter de nous croiser.
Sur ce, il éclata de rire et François du se forcer pour l'imiter. Son patron avait le chic pour rire des pires blagues et ne pas esquisser de sourire aux bonnes.
- Désolé John, mais je suis un tantinet pressé alors présente moi les personnes dont tu me parlais, ma femme et ma belle mère m'attendent.
Sa femme et sa belle mère, il en avait marre d'ajouter cette dernière à cette phrase. Le père de Marie, sa femme, venait de la mettre dehors sous prétexte qu'elle l'avait trompé trente ans plus tôt et qu'il n'était pas le vrai père de Marie. C'était bien évidemment faux et la belle mère, pour le prouver et surtout laver sa dignité avait fait une analyse ADN, elle y avait mis toute ces économies mais elle l'avait fait. Bien entendu, quand son mari a lu la réponse,il s'est avoué vaincu. En réalité, il lui avait gentiment claqué la porte au nez parce qu'il s'était trouvé une petite jeunette et qu'il ne voulait plus de la "vioc" chez lui. Marie détestait son père et vous devinerez assez bien pourquoi. C'était un con, et quand on est con, on le reste. François devait don héberger la belle mère jusqu'à qu'elle soit en passe d'acheter un logement. Plus d'économies donc attente plus longue afin de regrouper le plus d'argent possibles. L'immobilier ne faisait qu'augmenter dans le coin où elle voulait acheter. Il se demandait parfois s'il elle ne faisait pas tout pour rester.
John le tira de ses réflexions avec sa grosse voix grasse et assez agréable à écouter, elle l'endormait presque à vrai dire.
- Venez, suivez-moi.
Il tira plus qu'il n'emmena ses deux mômes. François et Etienne suivirent. Il les emmena de l'autre côté du chapiteau, là où les loges des artistes s'entassaient les unes sur les autres, sortes de ramassis de caravanes et d'animaux dont l'odeur pestilantielle de la faune se faisait plus forte que lors du spectacle. Le visage de François en disait long sur ce qui se passait dans sa tête car, quand John se retourna, il émit une sorte de rire et lui dit :
- T'inquiéte pas, je t'emmène pas voir Godzilla. Venez, suivez moi !
A l'autre bout du campement, John s'arrêta devant une caravane . Il n'y avait rien dessus qui indiquait qui logeait à l'intérieur alors que toutes les autres disposaient d'un sigle ou du moins du nom de celui qui l'occupait. Ici, rien. Les rideaux qui cachaient les vitres étaient tirés mais voir à l'intérieur demeurait dans l'impossible, les vitres dégoulinaient de crasse et des champignons commençaient à envahir les jointures. Sur le haut de la porte jaunie par le temps, la moisissure gagnait du terrain. Vu l'état de "l'habitation", François n'avait pas hâte de voir son propriétaire.
John frappa trois coups forts. Le jeune père faillit l'empêcher de cogner une troisième fois car le battant semblait être sur le point de se casser au moindre coup de vent. Au bout de quelques secondes, la porte s'entrouvrit. François n'arrivait pas à percevoir l'homme ou la femme derrière et l'odeur qui se dégageait de l'intérieur n'était franchement pas accueillante. Une sorte de croisement entre la moisissure, la décomposition et les déjections. Il sentit son fils retenir un haut le coeur et lui fit une grimace du genre "oulala t'as senti ça" sur quoi, Etienne lui répondit par un mi sourire mi grimace.
John poussa la tête après avoir aperçu ce qui semblait être un signe positif. François hésita quelques secoindes, la main sur la clenche de la poignée et finalement, il entra, son fils après lui. L'intérieur de la caravane se composait en réalité de très peu de choses, un matelas était posé à terre tout au fond et à droite de la porte se tenait une petite plaque électrique ainsi qu'une placard montant du sol au plafond. Un homme se tenait au bout du matelas, la tête baissé et ses cheveux rouges tombant presque jusqu'à Terre. Ses mains pendaient tels de vulgaires loques de ses bras décharnés posés négligemment sur ses genoux remontés jusqu'à sa poitrine. John se tenait agenouillé devant lui et semblait lui parler à l'oreille. Il se releva au bout d'un certain temps et à partir de ce moment là, les secondes qui s'écoulèrent parurent des heures à François. Cet homme lui faisait peur, la vue de son corps maigre et sale dressait ses poils sur ses bras et il sentait sa nuque se hérissait à chaque respiration de l'individu. Etienne lui tennait la main et les rôles étaient comiquement inversés. Cette petite main chaude dans la sienne moite et froide lui apportait u réconfort dont son fils n'avait apparemment aucun besoin. Il regarda son père, un grand sourire au visage et François eut bien du mal à le lui rendre mais il réussit. Il reporta son regard sur l'homme assis sur le matelas et fronça les sourcils, comment se faisait-il que les yeux de son fils expriment l'émerveillement et l'excitation devant ce spectacle.
Une dizaine de secondes après que John se soit relevé, l'homme leva la tête et François échappa un hoquet. L'aspect squelettique de ce visage maquillé le frappa tout d'abord et puis ses yeux vides de tout éclat, enfoncés dans leurs orbites le regardaient mais ne semblaient pas réellement le voir. Son front était barré d'une énorme cicatrice, unique preuve d'un passé émotif ou bien d'une enfance bordélique. Etienne serra sa main un peu plus fort et commença à s'avancer vers cet homme mais François l'en empêcha. Cet homme le révulsait et pourtant son regard était toujours perdu au fond de ses yeux sans émotions, de ce visage décharné et de ses cheveux rouges qui retombaient en méches graisseuse sur un maquillage dégoulinant de crasse et de sueur. Il était terrifié et pourtant il restait là, tenant la min de son fils et regardant le monstre de ses cauchemars d'enfant. L'homme relacha sa main qu'il maintenait en un poing et laissa tomber à terre une boule rouge qui roula jusqu'au pied de François. Celui-ci la ramassa sans pourtant quitter des yeux l'affreu pantin décharné. L'objet dans sa main semblait hors de propos, sorti d'une autre réalité qui n'était pas la sienne. Il ne se rendit pas compte qu'il serrait de plus en plus fort la petite main d'Etienne qui commençait à ressentir une vive douleur au poinget.
- Papa, papa ! Lâche moi papa, tu me fais mal.
François secoua la tête et rassembla du mieux qu'il put tous ses esprits et il écarta ses doigts qu'ils sentaient beaucoup plus moites que l'instant d'auparavant.
- Papa, je veux aller voir le clown.
Le jeune père releva brusquement la tête. Ses esprits lui étaient revenus d'un coup, c'était comme si, le raisonnement logique avait eu lieu à l'int"rieur de lui mais que son corps le rejetait, mais à ce mot, à cet unique mot, tout lui revint. En face de lui, sur ce matelas décousus se tenait un clown. Il regarda John et ce qu'il vit le fit reculer de terreur. Les yeux écarquillés, il voyait à côté de cette perruque rouge, un cadavre dont le sourire avait été scotché et les yeux ouverts de la même façon, un nez rouge sur l'ancienne protubérance de son patron. Les enfants de celui-ci étaient restés à l'extérieur et François s'empressa d'ouvrir la porte pour voir s'ils étaient toujours en vie mais la porte était bloqué, il avait beau forcé de toute ses forces, ils semblaient que quelqu'un l'en empêcha à l'éxtérieur, ou bien quelque chose...Et quand il retourna la tête, son fils était dans les bras du clown.
Celui-ci le regardait, de ses yeux sans vies et sans émotions, et son sourire glacial se fit encore plus large découvrant des dents aiguisés et dégoulinantes du sang de son fils...

Fin

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